Le présentéisme, vous connaissez ?

 

 

Une étude du cabinet Midori Consulting estime le coût du présentéisme à 25 milliards d’euros par an –hypothèse haute – pour les entreprises. Une somme énorme qui mérite que le sujet soit enfin pris en considération en interne. Pourquoi le présentéisme coûte-t-il cher ? Comment y remédier ?

 

Le présentéisme, c’est quoi ? Plusieurs définitions régissent aujourd’hui ce terme. « Il y a d’abord la présence paradoxale au travail c’est-à-dire le fait d’être présent sur son lieu de travail sans accomplir tous les efforts nécessaires pour ses tâches », explique Thierry Rousseau, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Le présentéisme recouvre également une présence excessive au travail notamment au niveau des horaires de travail. Enfin cette notion comprend « le phénomène selon lequel un salarié est présent sur son lieu de travail de façon assidue alors que son état de santé physique et mentale et/ou que sa motivation ne lui permettent pas d’être pleinement productif », précise Matthieu Poirot, dirigeant du cabinet Midori Consulting.

 

Quelle différence avec l’absentéisme ? Quand un salarié est déclaré absent, en dehors de ses jours de congés habituels, c’est la Sécurité sociale qui verse des indemnités au delà des jours de carences financés par le salarié lui-même. Dans le cas du présentéisme, c’est l’entreprise qui le paie en salaire.

 

Les causes du présentéisme ? Elles sont multiples et variées. Parmi elles, on trouve notamment une fatigue intense liée à des difficultés personnelles et/ou professionnelles. « Un sur investissement au travail entraînant un état d’épuisement émotionnel peut aussi être à l’origine de cet état. On parle alors de burn in, stade précédent le burn out où l’arrêt de travail est obligatoire », observe Matthieu Poirot. Enfin, autre cause possible : une grande insatisfaction vis à vis de sa qualité de vie au travail qui conduit à une démotivation appelée par notre expert « démission intérieure ».

 

Les conséquences pour le salarié ? En venant travailler « malades » ou affaiblis, les salariés entravent leur processus de guérison et s’empêchent de récupérer leur état de santé initial. Donc, une conséquence néfaste directe sur leur santé. Pire, en étant de plus en plus présents, ils peuvent même empirer leur état et favoriser une incapacité de travail plus longue. « On met par exemple deux ans à se remettre d’un burn out », confie-t-il.

 

Les conséquences pour l’entreprise ? En incitant (ou en ne leur laissant aucune autre alternative) leurs collaborateurs à venir travailler malades, les entreprises mettent prennent le risque de faire perdurer (voire empirer) une situation déjà délicate. A cela s’ajoutent les risques de contamination envers le reste du personnel. Enfin, les conséquences sont aussi d’ordre financier. Le coût caché du présentéisme semble colossal. Selon les calculs publiés ces jours-ci par le cabinet Midori Consulting, le présentéisme pourrait coûter jusqu’à 25 milliards d’euros par an aux entreprises françaises. Une petite fortune. Pour arriver à ce chiffre, le cabinet part de l’hypothèse que 1% d’absentéisme peut impliquer entre 1,4 et 2% de présentéisme. Or, 1% de présentéisme couterait entre 0,42% et 0,54% de la masse salariale. « Ainsi pour une entreprise affichant 4,53% d’absentéisme, soit le taux national de 2012, le taux théorique de présentéisme peut osciller entre 6,34% et 9%. Soit un coût caché compris entre 2,67% et 4,86 % de la masse salariale », décompte Matthieu Poirot. La santé et les transports sont les secteurs les plus affectés par ce phénomène, suivis de près par l’industrie et le BTP.

 

Les solutions pour lutter contre le présentéisme ?

 

Le premier réflexe, le plus simple à mettre en place, est d’agir sur la qualité de vie au travail. « Deux leviers font drastiquement baisser le présentéisme : la régulation de la charge de travail et la reconnaissance », analyse Matthieu Poirot. « Les entreprises devraient par exemple à nouveau réfléchir à la prescription du travail : qu’est ce qui doit être absolument fait et qu’est-ce qui peut être abandonné. Comment réduire ces « tâches clandestines » qui polluent le travail quotidien », avance Thierry Rousseau, auteur de « Absentéisme et conditions de travail, l’énigme de la présence », (Anact 2013). Toutes les réunions sont-elles bien utiles et nécessaires ? Idem pour toutes strates de reporting. « Imposer des horaires fixes supposent que les salariés aient tous les jours la même dose d’énergie. Or, ce n’est évidemment pas le cas », constate le dirigeant de Midori. Faire preuve de davantage de flexibilité dans la gestion des horaires, voire encourager le télétravail, font partie des pistes à explorer. « Moins contraints, les gens seront plus motivés », ajoute-t-il. L’interdiction d’utiliser les smartphones et autres tablettes professionnelles en dehors des horaires de travail permettrait également de soulager la charge de travail. « Développer la culture de la reconnaissance des efforts, et pas uniquement celle du résultat, est aussi un levier important pour une meilleure qualité de vie au travail. Au quotidien, le manager doit s’intéresser de près à ce que font ses équipes. Les écouter et les encourager. Ce type de reconnaissance est un bon facteur de protection contre le présentéisme», estime Matthieu Poirot. « Outre des mesures symptomatiques, les entreprises doivent réfléchir à une nouvelle organisation du travail et à l’adéquation entre la charge de travail, les effectifs et les compétences en place et nécessaire », argumente Thierry Rousseau. Pour lui, ce sujet doit devenir un objet de débat du dialogue social afin d’éviter que toutes les décisions reposent sur le seul individu.

 

 

 

Sylvie Laidet

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