La communication est un mot à la mode autant qu’un rouage essentiel d’une entreprise. Et pourtant, les experts constatent que les leaders lui accordent rarement l’importance qu’elle devrait avoir.
Dans le monde d’aujourd’hui, difficile d’imaginer un bon leader dépourvu d’aptitudes en communication. Pourtant, peu d’entre eux sont susceptibles de prendre conscience de ce qu’ils peuvent faire pour s’améliorer.
«On investit peu dans les organisations pour la communication, car on tient pour acquis que les gens savent comment faire», affirme Marcel Champagne, vice-président régional, Québec et Est-du-Québec, de Dale Carnegie, entreprise centenaire vouée à la formation en leadership et communication.
«C’est souvent fait de manière didactique, et les gestionnaires se préoccupent moins de la manière de communiquer que du message à transmettre», considère Dominique Morneau, psychologue organisationnel et spécialiste du développement du leadership.
«C’est un effort sous-estimé, la communication, renchérit l’entrepreneur Marc Dutil, qui donne une formation sur le sujet à l’École d’entrepreneurship de Beauce. Je pense à quelqu’un qui a l’air d’un bon communicateur et qui me raconte encore la même joke sur sa grand-mère à la troisième rencontre. Il la raconte bien, mais ne se souvient pas que ça fait trois fois qu’il la répète, et moi je me dis qu’il fait tourner la même cassette pour tout le monde.»
Alors, qu’est-ce qu’une bonne communication, que l’on soit devant un public, un employé ou dans un 5 à 7 de réseautage ? Les experts interviewés par Les Affaires disent tous que ce n’est pas exactement ce qui nous vient d’abord en tête. «Je dis toujours qu’être à l’aise n’est pas synonyme de bien communiquer, souligne Marc Dutil. Parler comme Bernard Derome, avoir un français impeccable, un visage à la Véronique Cloutier, ce n’est pas ça être un bon communicateur !»
«La communication est moins un savoir-faire qu’un savoir-être, donc ce n’est pas si technique», renchérit Dominique Morneau, qui enseigne notamment à l’ENAP, à l’Université Laval et à l’Université de Sherbrooke.
«C’est d’abord une relation, la communication, que ce soit avec une, deux ou plusieurs personnes. Il faut établir un lien de confiance et de crédibilité», affirme Marcel Champagne. Pour établir ce lien de confiance, il faut miser sur l’écoute. Une bonne communication est bidirectionnelle ; il ne s’agit pas simplement de transmettre un message, comme le font souvent les leaders, du sommet vers la base.
«Les employés sont-ils d’accord avec ce qui est dit ? Souvent les gestionnaires sont bons pour parler et moins pour écouter. Mais si on se place sur le mode écoute, les réponses aux problèmes peuvent émerger des employés et cela favorise l’engagement. Alors que si les employés posent des questions et que le gestionnaire y répond toujours lui-même, il crée une dépendance», observe M. Morneau.
Se placer sur le mode écoute révèle le respect et la considération. En soi, c’est une forme de reconnaissance, laquelle favorise la mobilisation.
«Aborder la reconnaissance, ça devient puissant, remarque Marcel Champagne. On bâtit la confiance des autres en travaillant sur la reconnaissance, mais une bonne reconnaissance n’a rien à voir avec la flatterie. Ça doit être senti. La reconnaissance, c’est probablement ce que les gens recherchent le plus.»
Un cercle vicieux
«Les gestionnaires disent souvent qu’ils n’ont pas le temps d’écouter, ajoute Dominique Morneau. Mais moins il y a d’écoute, moins ça va bien dans l’entreprise, ce qui laisse encore moins le temps d’écouter. Ça devient un cercle vicieux.»
Selon Marc Dutil, l’élément le plus important d’une communication est le récepteur, que ce soit une personne ou un auditoire. Il faut sentir les émotions, les intérêts, le degré de connaissance des autres avant de prendre la parole.
«Je fais des présentations trimestrielles à Saint-Georges et dans les usines de Canam chaque année. Trois semaines avant l’une d’elles, un collègue s’était suicidé. Il fallait oublier le PowerPoint, oublier le discours corpo. Il fallait être capable de dire : c’est dur et c’est triste. Si on est incapable de sentir l’émotion, on sera une marionnette qui bouge les lèvres.»
Si on sent l’émotion et l’énergie de son vis-à-vis, on adapte le ton de la communication en conséquence. Et c’est ce qui compte le plus, selon Dale Carnegie : 55 % de ce qui est retenu d’un message passe par le ton et 38 % vient de la gestuelle, tandis que les mots ne comptent que pour 7 %.
Les experts sont tous d’accord : c’est par une bonne communication qu’un leader influence les autres vers l’atteinte de ses objectifs. Être sympathique, rester humble et s’intéresser aux autres sincèrement est essentiel, mais il faut aussi savoir poser les bonnes questions, être attentif à l’effet que nous provoquons par nos questions. Dominique Morneau donne en exemple le jour où il devait décider s’il allait ou non étudier en Asie. Devant son hésitation, son interlocuteur lui répétait : «Qu’as-tu à perdre à partir ?» Ce faisant, il provoquait un effet défensif et dirigeait le regard vers la perte, plutôt que le gain. La bonne question était : «Qu’as-tu à gagner si tu y vas ?»
«Les questions doivent encourager, mobiliser. Il faut être stratégique pour faire émerger le meilleur plutôt que le pire», remarque-t-il.
VALÉRIE LESAGE
Valérie Lesage est diplômée en journalisme et histoire de l’Université Concordia et en études cinématographiques de l’Université Laval. Elle a débuté sa carrière au réseau radio de la Presse Canadienne (NTR) en 1990, l’a poursuivie à la télé chez TQS, TVA et Radio-Canada à Montréal, où elle a été chroniqueuse judiciaire à Montréal, puis reporter à l’émission Le Point. Le 11 septembre 2001, date inoubliable, elle amorçait le chapitre de la presse écrite au quotidien Le Soleil, où elle a été correspondante à l’Assemblée nationale, puis journaliste culturelle. En 2011, elle devenait la première correspondante du journal Les affaires à Québec, héritant des dossiers économiques de la capitale et de l’Est de la province. Un parcours de curieuse, dont la passion pour l’écriture s’est alliée à la justice, à la politique, à la culture et à l’économie. Dans ses temps libres, elle écrit (encore!), raconte des histoires à sa tribu et savoure la nature dès qu’elle le peut.
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